VINGT-TROIS

UN CRI AIGU ET ASSOURDISSANT RETENTIT DANS LA TÊTE DE LAUREL QUAND LE CLAQUEMENT DU COUP DE FEU EMPLIT LA PIÈCE, MAIS CE NE FUT QU’UN PETIT GÉMISSEMENT QUI S’ÉCHAPPA DE SES LÈVRES. Quand l’odeur de la poudre lui brûla le nez, un hurlement silencieux s’imposa à sa conscience. Les yeux de Laurel s’ouvrirent brusquement et volèrent vers Tamani. Son visage était contorsionné sous la douleur, et une plainte continuait de franchir sa bouche serrée. Il étreignait sa jambe, et ses doigts étaient mouillés de sève, son regard furieux fixé sur le troll.

Barnes pointa de nouveau son arme et cette fois, Tamani ne put retenir un cri d’agonie lorsque la balle pénétra dans son autre jambe. Le corps de Laurel tremblait ; le hurlement de Tamani semblait envahir chaque cellule organisée et symétrique du corps de la jeune fille, les précipitant dans le chaos. Elle rampa d’un pas en avant et Tamani lui lança un regard qui lui ordonnait de ne pas bouger. Dès que ses yeux eurent rencontré les siens, il les ramena aussitôt sur Barnes. Le front de Tamani brillait de sueur quand le troll déposa son pistolet bruyamment sur le bureau et s’avança vers lui.

— Tu n’iras nulle part maintenant, non ?

La haine brûla dans les yeux de Tamani quand il fixa la silhouette corpulente.

— Tu es ici le jour où je suis censé signer les papiers sur la terre qui abrite ton précieux portail. Je ne suis pas assez stupide pour croire que le hasard en est responsable. Comment le savais-tu ?

Tamani ferma les lèvres et ne dit rien.

Barnes donna un coup de pied sur le pied de Tamani et un sourd grondement échappa à la maîtrise rigide de la fée.

— Comment ? cria Barnes.

Tamani resta silencieux et Laurel se demanda combien de temps elle pourrait supporter d’assister à cela. Les paupières de Tamani étaient fermement serrées et quand il les ouvrit, il regarda directement Laurel pendant un instant.

Elle savait ce qu’il voulait. Il voulait qu’elle respecte sa promesse. Il voulait vraiment qu’elle lui tourne le dos, qu’elle descende l’escalier seule et retourne à la terre chercher Shar.

Elle avait donné sa parole.

Mais elle savait qu’elle ne le pouvait pas. Elle ne pouvait pas le quitter. En un éclair, elle réalisa qu’elle aimerait mieux mourir avec lui plutôt que de le laisser agoniser seul.

Dans ce moment d’abandon, ses yeux s’éclairèrent à la vue du pistolet.

Barnes l’avait laissé sur le bureau et ne lui accordait aucune attention. Sous ses paupières baissées, Tamani suivit son regard. Il la regarda de nouveau et secoua la tête de manière si imperceptible qu’elle le vit à peine. Puis, il grimaça et gémit quand Barnes le frappa encore à la jambe.

— Comment ?

Barnes s’accroupit devant Tamani. Laurel sut que c’était la meilleure occasion qu’elle aurait. Elle s’avança sur la pointe des pieds en essayant d’imiter les enjambées adroites de Tamani, comme elle l’avait vu faire toute la matinée.

— Dans dix secondes, je vais prendre ton pied et briser chaque tige dans ta jambe.

Ses mains s’enroulèrent autour du métal froid et elle tenta de se rappeler ce que son père lui avait enseigné sur les armes à feu quelques années plus tôt. Celui-ci était un pistolet lourd et plutôt carré – il ressemblait presque à un fusil à l’eau noir. Elle chercha un cran de sûreté ou un chien, et ne trouva ni l’un ni l’autre. Elle ferma les yeux une seule petite seconde, espérant de toutes ses forces qu’il s’agissait de l’un de ces modèles « viser et tirer ».

— Tu as une dernière chance de me répondre, fée. Un, deux…

— Trois, termina Laurel pour lui en pointant l’arme sur sa tête.

Barnes se figea.

— Lève-toi, ordonna Laurel en restant juste hors de sa portée.

Lentement, Barnes se leva et se tourna légèrement vers elle.

— Contre le mur, dit-elle. Loin de lui.

Barnes rit.

— Tu crois vraiment que tu vas tirer sur moi ? Une petite chose minuscule comme toi ?

Laurel tressaillit en pressant sur la détente, pleurant presque de soulagement quand ses efforts envoyèrent une balle se ficher dans le mur. Elle pointa de nouveau l’arme sur Barnes.

— D’accord, dit-il en reculant de quelques pas, se tournant complètement pour lui faire face.

Ses yeux s’agrandirent quand il reconnut son visage.

— Je pensais que je t’avais fait tuer.

— Pense plus fort la prochaine fois, lui lança Laurel, fière que sa voix soit loin de trembler autant que ses jambes.

— Mes gars ont-ils oublié ? Attends, non.

Il renifla l’air avec suspicion.

— Tu… Je ne…

Sa voix s’estompa alors qu’il pivotait vers Tamani et il émit un ricanement sinistre.

— Je comprends maintenant. Les fées se sont résolues à placer des enfants changés. Des enfants changés !

Il baissa les yeux vers Tamani et demanda d’un ton nonchalant :

— Quand allez-vous apprendre que c’est nous, les trolls, qui trouvons les meilleures idées ?

Laurel tira une autre balle dans le mur et Barnes sursauta.

— Nous avons terminé la discussion, déclara-t-elle.

Les deux restèrent face à face dans un genre d’impasse.

Barnes semblait presque certain qu’elle ne l’abattrait pas, et Laurel était tout aussi sûre qu’elle ne le pourrait pas. Mais elle ne pouvait pas le faire voir à Barnes.

Malheureusement, la seule façon de mettre fin à ses doutes était en fait de faire feu sur lui. Ses doigts étaient moites sur la détente pendant qu’elle levait le pistolet jusqu’à ce que le canon cache le visage du troll, le bloquant à sa vue.

C’était le plus loin qu’elle pouvait aller.

— Rappelle-toi ce que je t’ai dit, Laurel, lança Tamani d’une voix très basse. Il a ordonné qu’on te tue, il a empoisonné ton père, il a manipulé ta mère… Il le refera si tu le laisses s’enfuir.

— Arrête, vraiment, tu m’accordes beaucoup trop de mérite, affirma Barnes avec un sourire moqueur.

De longues respirations hachées sifflaient entre les lèvres de Laurel pendant qu’elle tentait de forcer ses doigts à faire le contact. Mais ses bras s’abaissèrent de quelques centimètres et un sourire joua au coin de la bouche de Barnes.

— Je savais que tu étais incapable de le faire, la railla-t-il.

Il s’accroupit brusquement et se lança sur elle.

Tout ce que vit Laurel, ce fut des yeux meurtriers cernés de rouge et des doigts tendus ressemblant plus à des griffes. Elle ne sentit même pas le pistolet dans ses mains quand ses doigts serrèrent et que le claquement du coup de feu retentit dans ses oreilles. Le corps de Barnes fut rejeté en arrière lorsque la balle passa violemment à travers son épaule. Laurel hurla et lâcha l’arme.

Avec un gémissement, Tamani se précipita en avant et ses mains attrapèrent le pistolet. Barnes rugit de douleur, mais ses yeux trouvèrent de nouveau Laurel.

— Laisse-la tranquille, Barnes ! cria Tamani en pointant l’arme.

Barnes eut à peine le temps de centrer son attention sur le pistolet dirigé vers sa tête. Alors même que Tamani pressait la détente, Barnes bondit par la fenêtre et s’écrasa sur le sol de l’autre côté. La balle de Tamani s’enfonça dans le mur de manière inoffensive. Laurel courut vers l’appui de la fenêtre brisée et aperçut brièvement le troll s’enfuyant vers la rivière avant que sa silhouette ensanglantée ne disparaisse derrière la colline.

Tamani laissa le lourd pistolet tomber sur le plancher avec fracas. Laurel se jeta à genoux et dans ses bras. Il gémit dans son oreille, mais quand elle tenta de s’éloigner, il la retint très fortement contre son torse.

— Ne me fais plus jamais, jamais une peur pareille.

— Moi ? protesta Laurel. Ce n’est pas moi qui ai reçu une balle !

Ses bras s’enroulèrent autour de son cou et tout son corps trembla.

Elle leva brusquement la tête quand elle perçut des bruits de pas dans l’escalier. Tamani la déplaça légèrement sur le côté et attrapa le pistolet, le pointant sur la porte.

Le visage blanc de David apparut en haut des marches. Tamani soupira et laissa retomber l’arme sur le plancher, les bras mous.

— J’ai entendu les coups de feu et vu Barnes s’enfuir, déclara-t-il d’une voix tremblante. Est-ce que vous allez bien ?

— Par l’œil d’Hécate, aucun de vous deux n’est-il capable de suivre les directives ? gronda Tamani.

— Apparemment non, dit Laurel sèchement.

— Que s’est-il passé ici ? demanda David en regardant avec des yeux ronds le désastre dans la pièce.

— Nous discuterons dans la voiture. Dépêche-toi, David, Tamani a besoin d’aide.

Ils baissèrent chacun la tête sous les bras de Tamani et réussirent à le soulever du plancher. Tamani essayait d’être brave, mais Laurel tressaillait chaque fois qu’un gémissement étouffé s’échappait de ses lèvres. Ils le traînaient à moitié vers la porte d’entrée quand Laurel s’arrêta.

— Attends, dit-elle en transférant tout le poids de Tamani sur David.

Elle se dirigea rapidement vers le bureau et regarda les documents. Ceux du dessus étaient marqués de fines éclaboussures de sang. Du sang de troll, songea Laurel en grimaçant. Elle prit toutefois son souffle et s’obligea quand même à passer les papiers en revue. Elle s’empara de tout ce qui mentionnait sa mère ou l’adresse de la propriété pour l’emporter. Par chance, ce n’était qu’une petite pile.

— Allons-y, dit-elle en passant encore une fois la tête sous le bras de Tamani.

Ils ne dirent mot en dépassant les corps des trolls morts. Le soleil était pleinement levé à présent et Laurel espéra que personne ne les verrait traîner cette personne de toute évidence blessée vers leur voiture. Tardivement, elle se demanda si quelqu’un d’autre que David avait entendu les coups de feu. En passant en revue les maisons délabrées tombant en ruine tout au long de la rue, elle ne savait pas trop si cela avait de l’importance. Ce quartier paraissait habitué aux coups de feu.

David allongea Tamani sur la banquette arrière et essaya de l’installer confortablement, mais ce dernier lui repoussa les mains.

— Reconduis-moi simplement à Shar. Dépêche-toi.

David tint la portière avant ouverte pour Laurel, mais elle secoua la tête et sans le regarder, elle se glissa sur la banquette avec Tamani.

Laurel posa le torse et la tête de Tamani sur ses cuisses, et il s’accrocha à elle comme un enfant, gémissant chaque fois que David roulait sur une bosse. Son visage était pâle et ses cheveux noirs lissés par la sueur. Elle essaya de lui faire entrouvrir les yeux, mais il refusa. Comme sa respiration devenait de plus en plus irrégulière, Laurel leva les yeux vers David qui l’observait dans le rétroviseur.

— Ne pouvons-nous pas aller plus vite ? l’implora-t-elle.

David serra les lèvres et secoua la tête.

— Je ne peux pas faire d’excès de vitesse, Laurel. C’est trop risqué. Que penses-tu qu’un policier dirait s’il nous arrêtait et voyait Tamani derrière ?

Son regard rencontra celui de Laurel dans le rétroviseur.

— Je vais aussi vite que je peux oser ; promis.

Des larmes remplirent les yeux de la jeune fille, mais elle hocha la tête, essayant de ne pas remarquer que l’emprise de Tamani sur ses bras perdait de sa force.

La route était presque déserte, mais Laurel retint son souffle quand ils traversèrent Crescent City, puis Klamath, et qu’ils passèrent près de plusieurs autres voitures. Il y eut même un homme qui la regarda, et elle se demanda si ses lunettes soleil dissimulaient des yeux vairons. Juste au moment où elle se convainquit qu’il était un troll envoyé pour en finir avec eux, il détourna la tête et vira dans une rue transversale.

Enfin, l’allée de garage apparut et David quitta la route. Le chemin non pavé était cahoteux, mais Tamani ne se plaignit pas quand la voiture roula sur des ornières. La respiration de Laurel se coinça dans sa gorge lorsque David arriva au bout de l’allée et débraya.

— S’il te plaît, dépêche-toi, David, supplia Laurel dans un murmure.

David courut de l’autre côté du véhicule et l’aida à sortir doucement Tamani. Ils le traînèrent derrière la maison le long du sentier maintenant familier. Dès qu’ils eurent passé la lisière du bois, Laurel commença à crier d’une voix tendue par les sanglots :

— Shar ! Shar ! Nous avons besoin d’aide !

Presque instantanément, Shar se matérialisa derrière un arbre et avança sur le sentier. S’il était abasourdi, son visage n’en trahit rien.

— Je vais m’en occuper, dit-il calmement.

Il prit Tamani des bras de Laurel et de David et le balança délicatement par-dessus son épaule.

— Tu ne peux pas venir plus loin, déclara Shar à David. Pas aujourd’hui.

David plissa le front et il regarda Laurel. Elle lança ses bras autour de lui.

— Je suis désolée, murmura-t-elle, et elle se tourna vers le sentier.

David lui attrapa la main.

— Tu reviens, n’est-ce pas ? demanda-t-il.

Laurel hocha la tête.

— Promis.

Puis, elle retira sa main et se hâta de suivre la forme molle de Tamani sur le sentier.

Dès que David fut hors de vue, d’autres fées s’engagèrent sur le sentier, ajoutant leurs épaules pour soulager Shar du poids de Tamani – une parade d’hommes incroyablement beaux, plusieurs vêtus d’une armure de camouflage. Chaque fée qui apparaissait augmentait le sentiment de bien-être de Laurel. Tamani n’était plus seul à présent ; les fées trouveraient une façon de tout arranger. Elle devait le croire. Elles la guidèrent le long d’un sentier tortueux qui lui paraissait bizarrement étranger et elles s’arrêtèrent devant un très vieil arbre qui, même dans l’air frais de la fin d’automne, n’avait pas changé de couleur.

Plusieurs des fées placèrent tour à tour leur paume dans un creux du tronc d’arbre. Enfin, Shar leva le bras mou de Tamani et posa sa main sur l’arbre. Pendant quelques secondes, personne ne bougea et il ne se passa rien. Puis, l’arbre commença à osciller et Laurel haleta de surprise quand une fissure apparut à sa base. Elle s’élargit et grandit, repoussant le tronc, le transformant en voûte d’entrée. L’air miroita et scintilla jusqu’à ce qu’il fut presque trop éclatant pour le regard. Puis, un éclair vif brilla et Laurel dut cligner des yeux. Dans la seconde qui lui fut nécessaire pour fermer les yeux et les rouvrir, l’air chatoyant s’était matérialisé en portail doré avec des fleurs blanches brillantes serpentant dessus et des millions de bijoux éclatants la faisant scintiller.

— Est-ce le portail menant à Avalon ? demanda Laurel à Shar en retenant son souffle.

Shar la regarda à peine.

— Empêchez-la de passer ; Jamison s’en vient.

Des lances se croisèrent devant elle, et Laurel comprit qu’elle avait avancé de plusieurs pas. Elle était presque submergée par l’envie de repousser les lances et de courir vers les grilles étincelantes, mais elle obligea ses pieds à ne pas bouger. Le portail oscillait à présent, se balançant légèrement vers l’extérieur en formant un arc pendant que toutes les fées reculaient pour faire de la place. Laurel ne voyait pas grand-chose en se tendant derrière les lances, mais ses yeux découvrirent un arbre vert émeraude, un éclat de ciel azuré, des rayons de soleil brillant comme des diamants. La forte odeur de la terre fraîche émana autour d’elle, ainsi qu’un arôme entêtant et enivrant qu’elle était incapable d’identifier. Un homme aux cheveux blancs portant une longue robe flottante argentée attendait de l’autre côté des grilles scintillantes. Laurel ne put s’empêcher de le fixer quand il s’avança pour venir se placer à côté de Tamani. Il fit courir ses doigts sur le visage de ce dernier et regarda derrière lui plusieurs fées transportant un brancard.

— Amenez-le rapidement, dit-il en les pressant d’avancer. Il se fane.

Tamani fut transféré sur un brancard blanc mœlleux, et Laurel regarda sans pouvoir rien faire pendant qu’on le transportait dans la lumière vive qui se déversait par le portail. Elle devait croire qu’il irait bien à présent, qu’elle le reverrait. À coup sûr, personne ne pouvait pénétrer dans un monde si plein de merveilles sans guérir.

Quand elle leva les yeux, le regard de la plus vieille fée s’était posé sur elle.

— Je suppose que c’est elle, dit-il.

Sa voix était trop douce, trop musicale pour appartenir à ce monde. Il marcha vers elle comme s’il flottait dans les airs, et le visage qu’elle aperçut était très beau. Il semblait rayonner, et ses yeux étaient doux et bleus et entourés de rides qui ne tombaient pas en ridules inégales comme celles sur la figure de Maddie, mais en plis égaux et réguliers comme une draperie parfaitement suspendue. Il lui sourit gentiment et la douleur des vingt-quatre dernières heures s’estompa.

— Tu as agi avec beaucoup de courage, déclara Jamison de sa douce voix angélique. Nous ne pensions pas avoir besoin de toi si tôt. Mais les choses ne se passent jamais vraiment comme prévu, n’est-ce pas ?

Elle secoua la tête et regarda à travers le portail, là où elle pouvait voir le dessus du crâne de Tamani.

— Est-ce que… Est-ce qu’il s’en sortira ?

— Ne t’inquiète pas. Tamani a toujours été plus fort que l’on s’y attendait. Particulièrement pour toi. Nous prendrons bien soin de lui.

Il posa une main sur l’épaule de la jeune fille et lui fit signe de le suivre le long du sentier non familier.

— Marcherais-tu avec moi ?

Ses yeux restèrent fixés sur le portail d’Avalon, mais elle répondit instinctivement.

— Bien sûr.

Ils avancèrent en silence pendant quelques minutes avant que Jamison ne s’arrête et l’invite à s’assoir sur un rondin. Il la rejoignit et s’installa près d’elle, leurs épaules se touchant presque.

— Parle-moi des trolls, demanda-t-il. De toute évidence, vous avez rencontré des ennuis.

Laurel hocha la tête et lui relata comment Tamani s’était montré prudent et brave. Les yeux de Jamison brillèrent de respect quand elle lui décrit la façon dont il avait refusé de se mettre à table, même après avoir reçu une balle. Elle ne s’était pas attendue à lui parler d’elle-même, mais elle commença à raconter qu’elle avait tenu le pistolet sans pouvoir se résoudre à faire feu sur le monstre jusqu’à ce que sa vie en dépende. Et même là, il s’agissait surtout d’un accident.

— Alors, il s’est enfui ?

Il n’y avait aucune trace de jugement dans sa voix.

Laurel acquiesça d’un signe de tête.

— Ce n’est pas ta faute, tu sais. Tamani est une sentinelle entraînée et il prend son travail très au sérieux. Mais toi, tu as été créée pour guérir et non pour tuer. Je pense que j’aurais été déçu si tu avais été capable de tuer quelqu’un, même un troll.

— Mais il sait à présent. Il sait qui je suis.

Jamison hocha la tête.

— Et il sait où tu vis. Tu dois rester sur tes gardes. Pour le bien de tes parents ainsi que pour le tien. Je te charge de leur protection. Tu es la seule à connaître les secrets qui peuvent les garder en vie.

Laurel pensa à son père allongé sur un lit d’hôpital, peut-être en train de prendre ses dernières respirations.

— Mon père se meurt, et dans quelques jours, il ne restera que moi et ma mère. Je ne peux pas être celle que vous souhaitez, admit-elle d’une voix tremblante.

Elle laissa tomber son visage dans ses mains, et le désespoir la submergea.

Les bras de la vieille fée l’entourèrent immédiatement, la pressant contre sa robe qui enrobait son visage d’autant de douceur que le duvet.

— Tu dois te rappeler que tu es l’une d’entre nous, lui murmura-t-il à l’oreille. Nous sommes ici pour t’aider de toutes les façons possibles. Notre assistance est ton droit – ton héritage.

Jamison fouilla dans sa volumineuse robe et il en tira une petite bouteille scintillante remplie d’un liquide bleu foncé.

— Pour les périodes difficiles, dit-il. C’est un élixir rare que l’une de nos fées d’automne a fabriqué il y a de nombreuses années. Nous créons très peu de potions qui peuvent aider les humains ces temps-ci, mais tu en as besoin maintenant et tu pourrais en avoir besoin plus tard. Deux gouttes dans la bouche devraient suffire.

Les mains de Laurel tremblaient quand elle les tendit vers le minuscule contenant. Jamison le plaça dans sa main et referma sa paume sur celle de la jeune fille.

— Conserve-le avec soin, la prévint-il. Je ne suis pas certain que nous ayons une autre fée d’automne assez forte pour fabriquer un élixir comme celui-ci. Pas encore.

Laurel hocha la tête.

— Nous aimerions aussi te venir en aide d’une autre façon. Mais, déclara-t-il, un long doigt dans les airs, c’est une offre conditionnelle.

— Tout ce que vous voulez, répondit Laurel avec sérieux, je vais vous l’obtenir.

— Ce n’est pas une condition pour toi. Tiens, dit-il en ouvrant sa paume pour révéler ce qui ressemblait à un morceau de cristal brut de la taille d’une balle de golf. J’aimerais que tu offres ceci à ta mère.

Il déposa la roche dans la main de Laurel, et elle retint son souffle devant le joyau.

— Est-ce un diamant ?

— Oui, mon enfant. Un de cette grosseur devrait suffire à tous vos besoins. Voici notre offre. Tu sais que tu as été placée chez des humains dans le seul but d’obtenir leur terre après leur mort éventuelle.

Quand Laurel hocha la tête, il poursuivit.

— Les événements récents ont augmenté d’autant plus l’importance de ta mission et nous devons assurer le transfert de la propriété plus tôt. Ce joyau est pour tes parents s’ils acceptent de mettre la propriété en fidéicommis à ton nom dès que la santé de ton père le permettra. Toi seule peux décider ce que tu leur diras et comment tu procéderas.

Sa voix prit un ton très ferme.

— Mais tu dois devenir propriétaire de la terre, Laurel. Et nous sommes certainement prêts à payer un prix juste pour que cela se produise.

Laurel hocha la tête et rangea le diamant dans sa poche.

— Je suis certaine qu’ils seront d’accord.

— Je crois que tu as raison, dit Jamison. Tu dois te dépêcher, Laurel. Le temps qui reste à ton père se mesure en heures à présent, plus en jours.

— Merci, murmura Laurel, et elle se tourna pour partir.

— Oh, Laurel ?

— Oui ?

— J’espère te revoir bientôt. Très bientôt, ajouta-t-il.

Ses yeux pétillèrent et il retroussa ses lèvres en un doux sourire entendu.

 

Ailes
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